La facture est un document particulier, qui porte des éléments de référence tant en termes de droit du commerce que de droit fiscal. À cet égard, elle doit être produite en deux exemplaires originaux (un exemplaire émetteur – le fournisseur – et un exemplaire destinataire – le client), et « portée » à sa contrepartie, c’est-à-dire livrée chez elle. Les 2 parties, fournisseur et client, doivent enregistrer cette facture dans leur comptabilité conformément à l’originale. Si l’originale comporte une erreur, le client doit l’enregistrer en l’état et éventuellement demander un avoir correctif.
La facture électronique bénéficie d’un contexte réglementaire favorable, avec l’article 289bis du Code Général des Impôts, modifié par l’article 17 de la Loi de Finances rectificative pour 2002, qui permet aux entreprises de transmettre des factures au moyen d’un échange de données informatisées (EDI). De plus, le décret n° 2003-659 du 18 juillet 2003 définit les modalités d’émission et de conservation des factures transmises par voie électronique et sécurisées au moyen d’une signature électronique. Ce cadre réglementaire est mature et maintenu.
Quand on parle de dématérialisation de factures, il convient toutefois de préciser s’il est question de dématérialisation de factures sortantes : celles émises par le fournisseur vers ses clients, ou de dématérialisation de factures entrantes : celles reçues par une société de ses fournisseurs.
Il est possible de dématérialiser les factures émises par le fournisseur vers ses clients de façon partielle (certains clients, certaines prestations, selon certains seuils), ou hybride (un exemplaire papier et un exemplaire électronique). Cette seconde solution est très importante, car si pour dématérialiser l’exemplaire client l’entreprise doit obtenir son consentement, elle peut dématérialiser son propre exemplaire émetteur immédiatement.
La capacité de réémettre une facture depuis son système informatique de facturation n’est pas admis comme production d’un original : la réversibilité des calculs, comme la TVA dont les taux changent par exemple, n’est pas garantie, ou le papier entête support de l’impression aura pu évoluer dans ses mentions légales de sorte à produire une édition non conforme à l’originale.
Il est donc possible pour une entreprise de dématérialiser son exemplaire émetteur de la facture grâce à l’utilisation d’un SAE (Système d’Archivage Electronique) garantissant le scellement de l’exemplaire original et la conservation réversible du document archivé.
Au-delà du SAE, il convient de produire cet exemplaire immatériel dans un format admis par le législateur fiscal qui devra pouvoir accéder aux pièces indépendamment du système ; le PDF/A (« /A » pour archive) est un format reconnu, accepté et standard.
On comprend assez facilement l’intérêt de l’émetteur pour la dématérialisation de l’exemplaire du destinataire : économie de production, rapidité de mise à disposition partout dans le monde, mais surtout économie d’affranchissement car, rappelons-le, la facture est un document portable et donc communément confiée à l’agent postal contre affranchissement. Mais cette dématérialisation suppose, on l’a dit, l’accord et donc le recueil du consentement du destinataire.
L’obtention du consentement de sa contrepartie revient à signer avec lui une convention de preuve privée. On imagine aisément que la simple production en double exemplaire de ce contrat, aussi simple soit-il, et les échanges qui s’en suivent pour la signature contradictoire sont un effort et donc un investissement qui peut mettre à mal l’économie induite par la dématérialisation. Si certains l’ont forcé dans leurs conditions générales de vente, tout le monde n’en a pas la possibilité. La solution la plus simple est alors de dématérialiser l’obtention de ce consentement, ce qui en accélère le processus et en diminue le coût.
L’avantage de l’enregistrement de gestion ou comptable facilité pour le destinataire de la facture est finalement assez limité (L’EDI ne dépasse pas quelques pourcents) du simple fait de la multiplicité des systèmes et donc de la complexité de mise en œuvre et de maintenance. Le particulier ou l’entreprise y trouvent en revanche un avantage, n’ayant plus à stocker, classer, conserver un original papier.
Mais les exemples de personnes ayant perdu leurs documents stockés de façon non sécurisée, ou le moyen d’accès à ces documents archivés par leur fournisseur (banque, assurance, téléphonie, …) car ils n’en sont plus le client, font foison.
Le moyen d’obtenir le consentement du client pour la dématérialisation de sa facture est donc de lui garantir un bénéfice sans risque. La stratégie à adopter pour et par les émetteurs de factures est d’affecter une partie de l’économie réalisée sur le timbre à l’acheminement de la pièce dans un espace privé appartenant au destinataire et d’assurer la réversibilité et l’interopérabilité de cet espace pour l’avenir. La création d’un espace de confiance solide et pérenne, un Espace Personnel Sécurisé, est sans conteste une base incontournable d’une évolution sereine de la dématérialisation de tous les échanges que suppose la relation client.
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